Après le débat très instructif
qui avait eu lieu le 23 février avec la classe de bac professionnel,
nous avons tout de suite cherché à savoir leurs impressions et
celles de nos camarades de classe. Beaucoup de personnes ont pensé
qu'il serait intéressant de donner suite à se débat, puisque
certains points n'avaient pas été abordés et que d'autres
n'avaient pas été approfondis.
Le débat ayant été limité dans
le temps, il fut difficile de répondre à toutes nos
interrogations.Il est encore impossible d'apporter une réponse à
tout.
Nous nous sommes alors mis
d'accord avec les professeurs des deux classes respectives pour
organiser une autre rencontre. Le lundi 16 mars, un autre débat a
donc eu lieu.
Notons qu'il y avait, cette
fois-ci, beaucoup plus d'élèves ; cela nous a permis d'obtenir
des avis supplémentaires et divergents.
Voici les différents points, qui
ont été abordés lors de ce nouveau débat. Je vais tenter de les
présenter de la manière la plus objective possible en complétant
par des interrogations, sans y apporter de réponses, puisque je ne
les détiens pas :
(JR, un photographe contemporain,
a écrit : « Je peux soulever des questions, instaurer le
dialogue. Pas donner des réponses, de toutes façons je ne les ai
pas ».)
Tout d'abord, nous avons à
nouveau présenté notre projet, d'une part pour les élèves qui
n'étaient pas présents la fois passée, et d'autre part pour
replacer le débat dans son contexte. Nous l'avons relancé sur la
notion de liberté. Quelques élèves ont défini ce terme,
parfois avec un peu de difficulté. Nous n'étions pas tous d'accord
sur la définition que nous donnions.
Un élève a ensuite rejoint cette
notion à celle de la liberté d'expression.
Il nous dit : « Tout
le monde a le droit de dire ce qu'il pense […] il n'y
a pas de limites ». Il ajoute à ces propos : « il
faut dire ce que tu penses tout en respectant l'autre ».
Il illustre sa pensée par un exemple : « Pour un
musulman, la limite c'est la religion. ». Les limites
ont donc été franchises par Charlie Hebdo car il était
question de blasphème : c'est ce que pensent et disent quelques
élèves.
Quelle(s) solution(s) faut-il par
conséquent apporter pour respecter la notion même de
respect, quand personne n'est d'accord sur les limites
de celui-ci ?
Puis des élèves affirment qu'il
faut être tolérant. Ils expliquent que tolérant, c'est
accepter la différence, y compris celle entre eux et ceux avec qui
ils ne sont pas amis.
Y a-t-il une différence entre
tolérer et respecter ?
D'après le dictionnaire
Larousse, tolérer, c'est « admettre à contre cœur la
présence de quelqu'un, le supporter » alors que respecter,
c'est « ne porter aucun atteinte à quelqu'un par volonté ».
Définitions à méditer.
Une autre question nous vient à
l'esprit : s'il y a des limites, nous pouvons nous demander qui
les impose. Est-ce le « système » ?
C'est ce qu'affirme clairement un des élèves.
Qui est sous-entendu sous ce mot,
« le système » ?
Le garçon qui a employé ce
terme, ne souhaite pas tout de suite justifier ses idées. Il nos
confie d'abord qu'il a peur d'être mal compris ou que ces paroles
soient mal interprétées. On se rassure entre élèves, d'autres lui
disent qu'il ne doit pas avoir honte et que nous sommes là pour
discuter.
La théorie du complot apparaît
(enfin) dans le débat. Les étudiants s'expriment : l'attentat
de Charlie Hebdo est une mise en scène internationale. D'après
certains, il y a une organisation secrète qui tire les ficelles pour
des buts économiques et politiques. Ils disent que nous sommes
influencés et le peuple est dirigé. La « société »
fait une « mise en scène ». Les
djihadistes sont perçus comme l'ennemi de la société, parce que
celle-ci l'a décidé ainsi.
De la même manière que nous
tentons de comprendre qui représente le « système »,
nous pouvons nous demander qui représente la « société ».
N'est-ce pas nous, enfants et adultes de la République qui formons
cette communauté ?
Puis, arrive l'idée de
conformisme. Le même garçon continue son explication :
« Nous devons penser conformément à la société ».
Il évoque les médias qui contrôlent ce conformisme. Ils
nous affluent d'informations. Il faut se faire ses propres opinions.
Ne faut-il pas se nourrir de
connaissances plutôt que d'opinions ?
Ne pouvons-nous pas dire que ce
blog fait aussi partie de ce que l'on appelle « les
médias » ?
L'un dit après : « La
presse, c'est la parole de l'état. ». D'autres crient
''aux abois'' et éclatent de rire : « Tu oublies
que Charlie Hebdo est un journal indépendant ».
Quelqu'un demande : « Est-ce
par rejet de la société que tu crois ça ? _Je vois des trucs
qui les montrent, je pense qu'il y a quelque chose car c'est louche
[…] _Quelles sont tes sources ? Internet ».
Y a-t-il un rejet de la société,
par la société elle-même ?
Un étudiant remet en cause la
minute de silence. Il ne la comprend pas. Il dit :
« d'autres personnes meurent dans d'autres pays ».
Une fille lui répond alors : « Par exemple, il y a
eu le crash des hélicos [récemment] en Argentine et nous n'avons
pas fait de minute de silence. » . Elle termine en
notifiant que la minute de silence avait donc une valeur beaucoup
plus symbolique. Elle était adressée aux valeurs et principes de
la République de manière générale et non aux morts
directement.
S'en suit alors trois autres
interrogations :
Comment agir ? Le
garçon qui a évoqué la théorie du complot, pense que nous ne
pouvons rien faire. « Il nous faut de l'argent pour
agir ». Certains tentent de le contredire. « Si
tu as envie de défendre des valeurs [en France ou] dans d'autres
pays, tu peux intégrer une ONG. ». Il y a des
événements pour s'entraider, et ils concernent d'ailleurs pleins
d'autres sujets, différent de celui que nous abordons aujourd'hui
dans cette classe. « Levons nous pour ça, levons nous
pour autres choses. »
Agir pourquoi ? - Le
débat dérive sur un autre sujet. On a parfois l'impression que ce
n'est pas le moment, ni le lieu pour parler de certains thèmes, mais
si l'on a organisé ce débat, c'est aussi pour échanger sur tout ce
que l'on voit, tout ce que l'on vit. - Alors une élève parle des
femmes qui se font agressées, violées dans la rue, les métros.
Elle est déçue qu'il n'y ait pas d'aussi grande manifestation pour
ces choses-là comme il y en a eu une après l'attentat de Charlie
Hebdo, la ''Grande Marche Républicaine'', comme on l'a parfois
appelée. Elle dénonce l'hypocrisie de la société. D'autres la
soutiennent : Les représentants de la Russie ou d’Israël
présents durant la marche du 11 janvier, c'était juste pour se
« donner bonne conscience ».
Agir contre qui ?
Comment agir par exemple, si l'on en croit la théorie du complot,
contre le ''système'' ou la ''société'', puisqu'ils ne sont
représentés que par des termes et que l'on a du mal à les définir.
Une élève prend la parole : « On se trompe de
problème. L'important ce n'est pas de savoir qui est coupable.
L'important c'est de parler par soi-même ». Il faut
« OSEZ ». (Voilà ce que tend à dire notre
projet). Il faut que nous agissions par nous-même, de manière
individuelle, car « si personne ne change son
comportement, personne ne changera. La société est son propre
reflet ».
Dring : La sonnerie. Le débat
se clôture. Il n'est cependant pas terminé, c'est à chacun de nous
de le continuer.
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