mercredi 1 avril 2015

Compte-rendu du 16/03/15 : Débat avec une classe (bac professionnel) : Des solutions apparaissent, des interrogations se posent.

Après le débat très instructif qui avait eu lieu le 23 février avec la classe de bac professionnel, nous avons tout de suite cherché à savoir leurs impressions et celles de nos camarades de classe. Beaucoup de personnes ont pensé qu'il serait intéressant de donner suite à se débat, puisque certains points n'avaient pas été abordés et que d'autres n'avaient pas été approfondis.
Le débat ayant été limité dans le temps, il fut difficile de répondre à toutes nos interrogations.Il est encore impossible d'apporter une réponse à tout.

Nous nous sommes alors mis d'accord avec les professeurs des deux classes respectives pour organiser une autre rencontre. Le lundi 16 mars, un autre débat a donc eu lieu.
Notons qu'il y avait, cette fois-ci, beaucoup plus d'élèves ; cela nous a permis d'obtenir des avis supplémentaires et divergents.

Voici les différents points, qui ont été abordés lors de ce nouveau débat. Je vais tenter de les présenter de la manière la plus objective possible en complétant par des interrogations, sans y apporter de réponses, puisque je ne les détiens pas :

(JR, un photographe contemporain, a écrit : « Je peux soulever des questions, instaurer le dialogue. Pas donner des réponses, de toutes façons je ne les ai pas ».)

Tout d'abord, nous avons à nouveau présenté notre projet, d'une part pour les élèves qui n'étaient pas présents la fois passée, et d'autre part pour replacer le débat dans son contexte. Nous l'avons relancé sur la notion de liberté. Quelques élèves ont défini ce terme, parfois avec un peu de difficulté. Nous n'étions pas tous d'accord sur la définition que nous donnions.
Un élève a ensuite rejoint cette notion à celle de la liberté d'expression.
Il nous dit  : « Tout le monde a le droit de dire ce qu'il pense […] il n'y a pas de limites ». Il ajoute à ces propos : « il faut dire ce que tu penses tout en respectant l'autre ». Il illustre sa pensée par un exemple : « Pour un musulman, la limite c'est la religion. ». Les limites ont donc été franchises par Charlie Hebdo car il était question de blasphème : c'est ce que pensent et disent quelques élèves.

Quelle(s) solution(s) faut-il par conséquent apporter pour respecter la notion même de respect, quand personne n'est d'accord sur les limites de celui-ci ?

Puis des élèves affirment qu'il faut être tolérant. Ils expliquent que tolérant, c'est accepter la différence, y compris celle entre eux et ceux avec qui ils ne sont pas amis.

Y a-t-il une différence entre tolérer et respecter ?
D'après le dictionnaire Larousse, tolérer, c'est « admettre à contre cœur la présence de quelqu'un, le supporter » alors que respecter, c'est « ne porter aucun atteinte à quelqu'un par volonté ».
Définitions à méditer.

Une autre question nous vient à l'esprit : s'il y a des limites, nous pouvons nous demander qui les impose. Est-ce le « système » ? C'est ce qu'affirme clairement un des élèves.

Qui est sous-entendu sous ce mot, « le système » ?

Le garçon qui a employé ce terme, ne souhaite pas tout de suite justifier ses idées. Il nos confie d'abord qu'il a peur d'être mal compris ou que ces paroles soient mal interprétées. On se rassure entre élèves, d'autres lui disent qu'il ne doit pas avoir honte et que nous sommes là pour discuter.

La théorie du complot apparaît (enfin) dans le débat. Les étudiants s'expriment : l'attentat de Charlie Hebdo est une mise en scène internationale. D'après certains, il y a une organisation secrète qui tire les ficelles pour des buts économiques et politiques. Ils disent que nous sommes influencés et le peuple est dirigé. La « société » fait une « mise en scène ». Les djihadistes sont perçus comme l'ennemi de la société, parce que celle-ci l'a décidé ainsi.

De la même manière que nous tentons de comprendre qui représente le « système », nous pouvons nous demander qui représente la « société ». N'est-ce pas nous, enfants et adultes de la République qui formons cette communauté ?

Puis, arrive l'idée de conformisme. Le même garçon continue son explication : « Nous devons penser conformément à la société ». Il évoque les médias qui contrôlent ce conformisme. Ils nous affluent d'informations. Il faut se faire ses propres opinions.

Ne faut-il pas se nourrir de connaissances plutôt que d'opinions ?
Ne pouvons-nous pas dire que ce blog fait aussi partie de ce que l'on appelle « les médias » ?

L'un dit après : « La presse, c'est la parole de l'état. ». D'autres crient ''aux abois'' et éclatent de rire : « Tu oublies que Charlie Hebdo est un journal indépendant ».
Quelqu'un demande : « Est-ce par rejet de la société que tu crois ça ? _Je vois des trucs qui les montrent, je pense qu'il y a quelque chose car c'est louche […] _Quelles sont tes sources ? Internet ».

Y a-t-il un rejet de la société, par la société elle-même ?

Un étudiant remet en cause la minute de silence. Il ne la comprend pas. Il dit : « d'autres personnes meurent dans d'autres pays ». Une fille lui répond alors : « Par exemple, il y a eu le crash des hélicos [récemment] en Argentine et nous n'avons pas fait de minute de silence. » . Elle termine en notifiant que la minute de silence avait donc une valeur beaucoup plus symbolique. Elle était adressée aux valeurs et principes de la République de manière générale et non aux morts directement.

S'en suit alors trois autres interrogations :

Comment agir ? Le garçon qui a évoqué la théorie du complot, pense que nous ne pouvons rien faire. « Il nous faut de l'argent pour agir ». Certains tentent de le contredire. « Si tu as envie de défendre des valeurs [en France ou] dans d'autres pays, tu peux intégrer une ONG. ». Il y a des événements pour s'entraider, et ils concernent d'ailleurs pleins d'autres sujets, différent de celui que nous abordons aujourd'hui dans cette classe. « Levons nous pour ça, levons nous pour autres choses. »

Agir pourquoi ? - Le débat dérive sur un autre sujet. On a parfois l'impression que ce n'est pas le moment, ni le lieu pour parler de certains thèmes, mais si l'on a organisé ce débat, c'est aussi pour échanger sur tout ce que l'on voit, tout ce que l'on vit. - Alors une élève parle des femmes qui se font agressées, violées dans la rue, les métros. Elle est déçue qu'il n'y ait pas d'aussi grande manifestation pour ces choses-là comme il y en a eu une après l'attentat de Charlie Hebdo, la ''Grande Marche Républicaine'', comme on l'a parfois appelée. Elle dénonce l'hypocrisie de la société. D'autres la soutiennent : Les représentants de la Russie ou d’Israël présents durant la marche du 11 janvier, c'était juste pour se « donner bonne conscience ». 
 
Agir contre qui ? Comment agir par exemple, si l'on en croit la théorie du complot, contre le ''système'' ou la ''société'', puisqu'ils ne sont représentés que par des termes et que l'on a du mal à les définir. Une élève prend la parole : « On se trompe de problème. L'important ce n'est pas de savoir qui est coupable. L'important c'est de parler par soi-même ». Il faut « OSEZ ». (Voilà ce que tend à dire notre projet). Il faut que nous agissions par nous-même, de manière individuelle, car « si personne ne change son comportement, personne ne changera. La société est son propre reflet ».

Dring : La sonnerie. Le débat se clôture. Il n'est cependant pas terminé, c'est à chacun de nous de le continuer.