9h : les fourmis au travail
Quelques-uns d’entre nous se rejoignent en
salle informatique. Nous sommes une dizaine, pleinement plongés dans le projet.
Je m’occupe de peaufiner mon article, j’ai du mal à décoller les yeux de mon
écran. Agathe, casque sur les oreilles, écoute les interviews et note
frénétiquement tout ce qui lui semble devoir être retranscrit. Mathilde
griffonne une main qui brandi un crayon : peut-être le futur logo du
projet. Emma vient de finir de rédiger le mail que nous voulons envoyer à
l’équipe éducative. Avec de grands gestes, elle missionne Sara et Coline.
C’est cette scène que je découvre quand
Simon me glisse : Hé Sandra,
regarde, on dirait une salle de rédaction. On se regarde avec des étoiles dans
les yeux. Bien sûr qu’on arrivera à être journalistes.
10h : mise en commun avec toute la classe
On se retrouve pour la mise à jour
hebdomadaire. On raye les tâches accomplies et on en ajoute de nouvelles.
Fait :
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Interviews
-
Trouver
les images pour la fresque
-
Trouver
support fresque
-
Publication
de plusieurs articles sur le blog
-
Mise
en page blog
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A faire :
-
Couper
les vidéos
-
Remplir
les lettres de la fresque
-
Dessiner
lettres
-
Faire
une sorte de diaporama qui défile pour le blog
-
Faire
connaître le projet
-
Organiser
une nouvelle rencontre bac pro
-
Logo
|
11h : rencontre avec une classe de bac pro
Après l’attentat à Charlie Hebdo, les avis les plus divisés se concentraient dans les classes des pros. Notre professeure principale nous a donc proposé une rencontre.
Ils sont donc entrés dans la classe,
timides. Malheureusement, nous n’avons pu rencontrer qu’une dizaine d’élèves,
un demi-groupe avec beaucoup d’absents. Nous leur avons donc présenté notre
projet, puis lancé le débat.
Quand on leur demande ce qu’ils pensent de
tous ces événements, ils haussent les épaules, impuissants. L’un d’entre eux
admet « Certains trouvaient ça normal ». Je vois des yeux ronds, des
bouches bées, des visages effarés.
Normal ?! Oui, des élèves de leur classe (qui ne sont pas présent à ce
moment-là) partagent complètement les idées des terroristes. Nous devons
absolument avoir une discussion avec ces élèves-là, pour les comprendre et
aussi pour leur faire réaliser leurs paroles. Si le débat semble timide au
début, tout le monde devient plus à l’aise peu à peu. Brice nous explique qu’à
vif, certains ont eu des réactions très violentes.
Les
élèves poursuivent : « Beaucoup pensent aussi que c’est un
complot ». A cause des images, à cause des théories qui sortent rapidement
sur YouTube. On cherche toujours quelqu’un d’autre à accuser. « Les médias
tournent les phrases de manière à nous manipuler ». C’est justement à ça
qu’il faut faire attention. C’est en reniant tous les médias que l’on tombe
dans la théorie du complot. Les médias nous apportent des informations,
voilà en quoi ils sont essentiels. C’est
à chacun de nous de lire entre les lignes, de réfléchir, plutôt que de
s’arrêter sur les gros titres à scandale.
Vient
ensuite la question des amalgames. Le professeur pousse un jeune d’origine
arabe à parler. Il confie : « Je
me suis senti pointé du doigt, regardé différemment. Mes sœurs se sont fait
insulter. Au lendemain, je me suis senti exclu, et j’avais comme un besoin de
me justifier. » Nous sommes tous scandalisés. Comment cela
peut-il être possible ? Une fille glisse « J’aimerais dire des
choses, mais qui nous écouterait? ». Nous ! on crie. Ces amalgames
ridicules doivent cesser, et nous le voulons de tout notre cœur. Et si la Terre
entière ne nous écoute pas, ce n’est pas grave. L’important, c’est de faire
changer les choses à notre échelle. Si chacun de nous arrive à convaincre
deux autres personnes, ce serait incroyable. Et si ces deux autres-là faisaient
la même chose, et ainsi de suite ?
Plusieurs
d’entre eux se mettent d’accord. Ils n’aiment pas qu’on critique les religions,
quelles qu’elles soient. L’un d’entre eux pense qu’il faudrait rétablir le
blasphème. Nous nous opposons. La liberté d’expression est un droit en
France ; et la loi passe avant la religion. J’ai entendu un imam à la
télévision qui disait que c’étaient aux musulmans de s’adapter au pays dans
lequel ils s’installent, et non pas au pays de s’adapter aux musulmans.
Une
autre question fuse « Et pourquoi ne pas se moquer de la religion ?
Pourquoi la religion serait-elle au-dessus de tout ? » On se moque
bien de choses qui, aux yeux des athées, valent bien plus qu’un dieu. On se
moque bien du Président, qui représente la République et toutes ses valeurs. Et
si moi, je ne vivais que par la République, comme d’autres par Dieu ?
Devrais-je alors interdire aux caricaturistes de pointer du doigt le ventre
grassouillet de notre Président ? Je ne pense pas. Je pense que nous
devons rire de tout. Et les religions ne se placent pas au-dessus des autres
croyances.
Le
débat a été très intéressant, nous aurions tous aimé qu’il s’étende plus
longtemps (mais les ventres gargouillent). Nous prendrons donc l’initiative
d’en organiser un autre, avec cette fois-ci tous les élèves, pour toujours plus
confronter nos idées, développer notre esprit critique… et notre liberté.
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